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Allez bonne lecture Ă toi !
Barbedouce le soyeux
Chapitre 5
Jeudi 16 DĂ©cembre Ă 15h30, les trois colocataires Ă©taient dans la maison. Ils tournaient en rond, l’enquĂȘte avait dĂ©butĂ© ce matin et aucun rĂ©sultat n’Ă©tait encore prononcĂ©. En gĂ©nĂ©ral le C.I.G ne mettait pas plus de deux heures Ă rendre leur verdict. Cela pouvait paraĂźtre injuste mais ils avaient une telle quantitĂ© de sites Ă traiter, surtout en comptant tous ceux qui dataient d’avant.
Les sites d’avant Ă©taient les sites qui n’avaient pas subis le contrĂŽle de mise en circulation du C.I.G. Les serveurs, data centers et autres fermes Ă©lectroniques Ă©taient devenus un tel gouffre en Ă©nergie, qu’il fallait bien rĂ©guler la quantitĂ© de donnĂ©es stockĂ©es.
Parfois les sites ne recevaient que de simples blĂąmes, des mesures d’allĂ©gements, ce qui les forçait Ă rĂ©viser leurs sites, en supprimant ou en remodelant certaines parties. Mais parfois ils Ă©taient juste jugĂ©s trop polluants et/ou trop inutiles, Ă ce moment-lĂ le verdict Ă©tait la fermeture pure et simple.
www.tonvoisinprĂ©vient.tr n’Ă©tait pas un gros site, il n’avait pas une grande audience et il Ă©tait plus ou moins la copie d’autres sites du genre. Le .tr Ă©tait choisi pour reprĂ©senter l’implantation Ă Trets, bien quâils couvraient aussi les Ă©vĂšnements de la rĂ©gion PACA. Or il y avait au moins quatre autres sites avec un nom quasi-similaire, Ă©parpillĂ©s dans d’autres rĂ©gions de France.
Melvyn fixait l’horloge, bientĂŽt seize heures, la vie allait reprendre Ă l’extĂ©rieur. Il avait mal dormi de midi Ă quinze heures, les pensĂ©es perdues dans le vague, anxieuses.
Ils faisaient peut-ĂȘtre les fiers il y a deux jours, mais le jour J c’Ă©tait une autre histoire. MĂȘme LĂ©na, faisant semblant de s’occuper en lisant, semblait nerveuse et se frottait le pouce gauche mĂ©caniquement.
Au bout d’un moment elle se leva et annonça souriante.
« Bon je dois aller faire ma participation aux champs, je vous laisse.«Â
« La chance, sourit Melvyn, amuses-toi bien.«Â
Alors que LĂ©na prenait ses outils et enfilait sa salopette de travail, Jade faisait les cent pas. Puis soudainement elle claqua des mains si brusquement que Melvyn sursauta.
« Bon, annonça-t-elle, ça ne sert Ă rien de tourner en rond, on saura bien ce soir. Je vais aller voir sâils ont quelque chose pour moi. L’Office du Travail Collectif ne manque jamais de tĂąches d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.«Â
« Ah d’accord ! Tout le monde quitte le navire quoi. » S’offusqua Melvyn.
« Tu n’as qu’Ă faire pareil, le sermonna Jade, Ă quoi ça sert de rester lĂ , Ă se ronger les sangs. On ne va pas faire un reportage si on ne peut pas le publier. Allons porter assistance aux voisins ou Ă la ville, ce ne sera pas du temps de gaspillĂ©. » DĂ©crĂ©ta Jade.
Melvyn acquiesça, il prit cependant un temps fou Ă se prĂ©parer. Jade ne l’attendit pas suffisamment longtemps d’ailleurs et il se retrouva seul dans cette maison aux volets clos.
La seule lumiĂšre venait de leur ordinateur tournant sur batterie, car impossible de le connecter au secteur avant les heures autorisĂ©es. Seules les lignes tĂ©lĂ©phoniques et appareils mĂ©dicaux Ă©taient autorisĂ©es Ă ĂȘtre branchĂ©s durant ces heures-lĂ .
Il Ă©tait ouvert sur la page d’accueil de leur site et Melvyn il avait beau rafraĂźchir la page, il n’y avait rien de changĂ©. Pas d’e-mail non plus, pas de mauvaises nouvelles, ni de bonnes. Il essaya de chasser les mauvaises pensĂ©es puis, fin prĂȘt, Il Ă©teignit l’ordinateur et brava l’extĂ©rieur. Une vague de chaleur le cueillit Ă la sortie, s’engouffrant dans le hall d’entrĂ©e, il accusa le coup et se dirigea vers la mairie.
*
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Le soir mĂȘme, les trois Ă©taient de retour Ă vingt-deux heures, enfin pour ĂȘtre prĂ©cis, LĂ©na les attendait depuis une demi-heure, lorsque les deux derniers furent de retour.
Jade et Melvyn s’Ă©taient rendus Ă la mairie et on leur avait confiĂ© des tĂąches simples, des entretiens de clĂŽtures dans les quartiers voisins, du dĂ©sherbage, de la rĂ©colte fruits et lĂ©gumes sur les routes vĂ©gĂ©talisĂ©es. Rien de bien compliquĂ© en soi mais il y avait toujours de quoi faire.
LĂ©na ne semblait pas les avoir entendu rentrer, elle se tenait sur le fauteuil du bureau, les bras croisĂ©s, fixant l’Ă©cran qui affichait une page de texte.
Voir LĂ©na si immobile, si sĂ©rieuse, inquiĂ©ta les deux travailleurs. Ils s’approchĂšrent, l’e-mail Ă©tait caractĂ©ristiquement sobre Ă la bonne vieille maniĂšre du C.I.G, ils virent tous deux la mention âRejetĂ© â supprimĂ© dans deux joursâ Ă©crite en gras.
Jade poussa un juron et Melvyn s’appuya les poings sur la table, dĂ©pitĂ©. LĂ©na semblait toujours perdue dans ses pensĂ©es. Aucun d’entre eux ne semblait vouloir s’Ă©taler lĂ -dessus, Le coup Ă©tait difficile Ă encaisser et ils n’en revenaient pas qu’un simple interview, leur ait causĂ© tant de tort.
La soirĂ©e commençait mal, ils s’en furent chacun de leur cĂŽtĂ©, afin de quitter leur tenue de travail, une fois changĂ©s et dĂ©barbouillĂ©s ils commencĂšrent leur routine du soir. Melvyn se mit aux fourneaux, Jade alla dans le jardin pour vĂ©rifier les plantations et LĂ©na profitant de la lumiĂšre de la cuisine, se mit Ă raccommoder des vĂȘtements trĂšs usĂ©s. C’Ă©tait devenu une pratique courante, de ne pas jeter des habits avant qu’ils ne soient complĂštement dĂ©truits.
Une fois que ce manĂšge fut fini sans qu’aucun mot ne soit prononcĂ©, ils se mirent Ă table. Le silence devenait trop pesant aussi Melvyn, avec un effort surhumain, se dĂ©bloqua la gorge.
« Bon qu’est-ce qu’on fait ?«Â
Les deux femmes levĂšrent les yeux, contentes que quelqu’un ait brisĂ© la glace.
« J’imagine, balbutia Jade, qu’on va tenter un recours.«Â
« J’ai lancĂ© un appel Ă nos amis, enchaĂźna LĂ©na, ils nous passent leurs donnĂ©es de leurs sites, comme ça on fera un comparatif avec les donnĂ©es de notre blog. J’ai dĂ©jĂ lancĂ© la sauvegarde de nos fichiers, ça nous fera une bonne preuve Ă l’appui pour le recours, une preuve disant que lâon nâest pas si polluant ou inutile que ça.«Â
« Je pense, ajouta Melvyn, que je vais faire un sondage manuel avec nos voisins, pour voir s’ils connaissent et jugent notre blog utile.«Â
« Ce ne sera pas jugé trÚs favorablement par le C.I.G. » lui rétorqua Jade.
« ça dĂ©pend du nombre de signatures, assura Melvyn, on doit mettre un maximum de chances de notre cĂŽtĂ©.«Â
Ils continuĂšrent Ă dĂ©battre de la stratĂ©gie Ă mettre en Ćuvre une heure durant, le moral revint peu Ă peu Ă la tablĂ©e. AprĂšs avoir dĂ©barrasser les restes de leur frugal festin, Melvyn se rendit dans sa chambre.
Il prit son vieux portable et appuya sur le bouton des numéros mémorisés, il hésita un moment entre Amandine et Léo, puis il sélectionna Amandine. De toutes façons avec un peu de chances, Léo serait à cÎté.
Il n’y eut que trois sonneries et il entendit la voix enjouĂ©e d’Amandine crier un âAllo ?â
« Salut Mandy je ne te dĂ©range pas ?«Â
« Jamais mon chou, jamais. Qu’est-ce qu’il y a ? » Sâenquit la jeune femme.
Ă la question d’Amandine, Melvyn su que sa voix transpirant la lassitude, l’avait trahi.
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« Pas une bonne nouvelle, le C.I.G ferme notre site…«Â
« Ah les bĂątards ! Hurla-t-elle dans le combinĂ©. C’est qui le responsable ? S’il passe chez moi je lui crache dans ses courses ?!«Â
Melvyn eut un sourire, la spontanĂ©itĂ© d’Amandine faisait souvent cet effet. Il entendit la voix se faire plus faible, il lui semblait quâelle parlait Ă quelqu’un Ă cĂŽtĂ© et Melvyn reconnut la voix de LĂ©o quand ce dernier cria aussi.
« Et on va lire quoi nous les Tretsois le soir, hein ? » renchérit Amandine.
« C’est gentil Mandy mais tu sais qu’il y a plein d’autres sites comme nous. » Rappela Melvyn.
« Nan, j’en ai pas vu. » mentit-elle.
« T’es trop, pouffa Melvyn, je savais que c’Ă©tait une bonne idĂ©e de t’appeler.«Â
« Oh que oui, attends je te passe LĂ©o avant qu’il m’arrache le tĂ©lĂ©phone des mains. » Le prĂ©vint-elle.
Melvyn eut un petit rire en les entendant s’exclamer. Ils se battaient pour consoler leur ami, cela lui faisait chaud au cĆur.
« AllĂŽ ? Melv, C’est quoi ces conneries ? Quand est-ce que c’est arrivĂ© ? » Lâinterrogea LĂ©o.
« Cet aprĂšs-midi, on Ă©tait au courant pour l’enquĂȘte et que … ça pouvait arriver. » Expliqua Melvyn.
« Okay et c’est quoi la nouvelle adresse du site ? Tu deviens Al Pacino et la prohibition tu l’envoies chier ! Darknet direct mon gars. » RĂ©torqua le gĂ©ant.
Melvyn Ă©clata de rire.
« Al Capone tu veux dire ? » Le corrigea-t-il.
« Exactement, puisque c’est ce que j’ai dit. » Mentit LĂ©o avec une mauvaise foi palpable.
Melvyn entendit LĂ©o s’Ă©loigner du tĂ©lĂ©phone pour demander Ă Amandine s’ils parlaient bien du cĂ©lĂšbre criminel. Melvyn secoua la tĂȘte, mĂȘme dans ces situations LĂ©o avait toujours le mot pour rire, toutefois il devait reconnaĂźtre l’effet de la tactique, puisqu’il se dĂ©tendait peu Ă peu.
« Tu rappliques ce soir mon grand, on va boire un coup, quand je serais calmé je te fais un bon massage et on monte un plan. » Affirma Léo.
« Ce serait pas cool pour LĂ©na et Jade, je ne vais pas les laisser en plan comme ça. En plus on monte dĂ©jĂ un truc pour contester, d’ailleurs vous me donnerez vos signatures, n’est-ce pas ? » Sâexpliqua le journaliste.
« Des deux mains Melv, vu que je ne suis pas ambidextre elles seront assez différentes, ça montera le compteur de la pétition plus vite ! » Plaisanta son ami.
« T’es con LĂ©o, change rien surtout.«Â
« FidĂšle au poste, compte sur moi mon beau. Je te repasse Mandy je vais essayer d’aller me calmer.«Â
Melvyn lui souhaita une bonne soirée, quand Amandine reprit le téléphone, il y avait une indignation feinte dans la voix.
« Alors tu m’appelles pour me dire que ça va pas et j’ai pas le droit de te faire un cĂąlin. » Se plaignit-elle.
« Je n’ai pas dit ça, juste que je vais rester avec les filles ce soir. Je passerai vous voir demain promis. » Sâengagea Melvyn.
« Y a intĂ©rĂȘt, sinon on serait venus ce soir c’est tout. » DĂ©crĂ©ta Amandine.
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« Merci Mandy, dit je voulais te demander aussi…«Â
« Oui trĂ©sor, dis-moi.«Â
« Si jamais on nâarrive pas Ă relancer le site, je pourrais peut-ĂȘtre venir travailler avec vous ? J’aimerais pas avoir Ă me tourner les p… » Commença-t-il Ă se justifier.
« Non » l’interrompit Amandine.
« Que ? Pardon, je… » Balbutia le journaliste.
« Si tu ne fais plus le blog, tu VIENS travailler ici, c’est pas un peut-ĂȘtre. » Affirma Ă©nergiquement la jeune femme.
Melvyn eut un grand sourire, elle venait de lui faire un petit ascenseur Ă©motionnel, mais c’Ă©tait d’une telle gentillesse, qu’il en fut touchĂ©.
« T’es la meilleure Mandy. » La complimenta-t-il.
« Oui et de plus en plus de gens s’en rendent compte, c’est fou le temps que ça met Ă se voir, quand mĂȘme. » Fit-elle, feignant de se plaindre.
« Tu penses que LĂ©o sera d’accord ? Sur le fait que je vienne bosser je veux dire, il sait dĂ©jĂ que t’es la meilleure.«Â
« Je crois qu’il en a encore plus envie que moi, mais je peux me tromper, il en a peut-ĂȘtre seulement autant envie que moi.«Â
« Hey je reste en colloc’ avec les filles hein, vous n’ĂȘtes pas en train de me kidnapper. » PrĂ©cisa Melvyn.
« Pas encore mon chou ça va venir, ça va venir. » Annonça-t-elle, mutine.
La discussion ne s’Ă©ternisa pas, Melvyn tenait Ă rejoindre les filles pour les soutenir et continuer de discuter de la stratĂ©gie Ă mettre en place.
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Chapitre 6
Melvyn se dĂ©plaçait dans les rues d’Aix-en-Provence, sous la canopĂ©e urbaine. Celle du cours Mirabeau Ă©tait particuliĂšrement impressionnante, un entrelac de vĂ©gĂ©tation grimpante s’Ă©levant Ă une douzaine de mĂštres du sol.
Emplie de couleurs par l’automne tardif de l’Ă©poque, ce tableau Ă©tait peint de diverses nuances de rouges, jaunes, oranges et verts. La faible brise faisait frĂ©mir et onduler ce champ flottant, son bruissement si caractĂ©ristique pouvait donner des frissons. Ăvoquant mĂȘme Ă certaines personnes, les douces sonoritĂ©s d’une forĂȘt.
Le sol du cours n’Ă©tait pas en reste non plus. Melvyn, piĂ©ton depuis plusieurs dĂ©cennies dĂ©jĂ , avait largement profitĂ© des politiques de vĂ©gĂ©talisation de la ville. Elles furent tant dĂ©veloppĂ©es ces derniĂšres dĂ©cennies que l’on ne pouvait poser le regard quelque part sans y voir un arbre fruitier, une fleur ou un buisson. Le tout harmonieusement conçu pour le passage des personnes et des vĂ©los. On pouvait mĂȘme s’y perdre une demi-heure durant et en ressortir avec l’impression de s’ĂȘtre baladĂ© en lisiĂšre de forĂȘt.
Melvyn n’Ă©tait malheureusement pas d’humeur bucolique aujourd’hui, il venait aussi peu souvent qu’il le pouvait Ă Aix. Les gens Ă©taient incitĂ©s, depuis plusieurs annĂ©es dĂ©jĂ , Ă rĂ©duire un maximum leurs dĂ©placements inter-communautĂ©s. Les transports en commun Ă©taient les rois de la route et ils Ă©taient de moins en moins nombreux Ă se partager le titre.
Les villes relocalisant leurs activitĂ©s Ă©taient de plus en plus Ă mĂȘme de satisfaire tous les besoins de leurs habitants, et s’ils Ă©taient insatisfaits, ces habitants, la plupart du temps ils dĂ©mĂ©nageaient, trouvant ce qui leur correspondait ailleurs.
La politique des transports en communs, depuis une vingtaine d’annĂ©es permettait grĂące aux impĂŽts, un certain nombre de dĂ©placements gratuits.
Mais au-delĂ de ce seuil les tarifs Ă©taient progressifs, pour Ă©viter la surutilisation de vĂ©hicules, qui restaient encore polluants. MalgrĂ© le fait qu’ils soient Ă©lectriques et qu’ils soient rechargĂ©s avec des panneaux solaires, pour la plupart. L’industrie des transports consommait encore une certaine quantitĂ© d’Ă©nergie, principalement due Ă la quantitĂ© de trajet et au renouvellement de l’Ă©quipement.
Melvyn avait pourtant pris le bus, il se devait de le prendre. La veille il avait appris que son site Ă©tait fermĂ© et aujourd’hui il voulait le faire rouvrir, avant qu’il ne soit supprimĂ©. Voulant possiblement Ă©viter que le nom de domaine du site soit banni, la sanction devenant effective ce Samedi, la fenĂȘtre de tir Ă©tait mince.
Aller sur le darknet n’Ă©tait pas une option puisquâils voulaient faire de l’information grand public. Les lecteurs de www.tonvoisinprĂ©vient.tr n’Ă©taient pas tous habituĂ©s Ă l’informatique. Les trois associĂ©s avaient toujours voulu que le site soit accessible au plus grand nombre.
Et il se retrouvait aujourd’hui avec son dossier sous la main, nâayant aucunement eu le temps de prĂ©parer le sondage quâil avait Ă©voquĂ©. Il Ă©tait dĂ©jĂ rĂ©digĂ© et imprimĂ©, mais tous ses voisins et lecteurs avaient leur rythme de vie, de plus il ne pouvait rĂ©colter toutes leurs signatures en un jour.
Ă la place, dans son porte-documents se trouvait une Ă©tude comparative, elle Ă©tait rĂ©alisĂ©e sur la base des blogs similaires au leur, qui ressemblaient par leur taille, trafic et structure. Ces blogs n’avaient pas Ă©tĂ© jugulĂ©s par le C.I.G et ce depuis leur crĂ©ation, avec pourtant de nombreuses enquĂȘtes Ă leur actif.
Il avait aussi rĂ©ussi Ă obtenir des mails de personnalitĂ©s de la mairie, qu’il avait imprimĂ©. Ces mails certifiaient l’utilitĂ© du blog et citaient des exemples d’articles qui avaient eu de la portĂ©e, informĂ© les citoyens et permis une communication plus rapide, intra-communale.
Cependant, si la fermeture Ă©tait bien due au pĂšre ClĂ©ment, cela serait d’une inutilitĂ© certaine.
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Melvyn ne pouvait s’empĂȘcher de penser, au vu de leur irrĂ©prochabilitĂ©, que l’enquĂȘte Ă©tait corrompue d’une quelconque maniĂšre. Qu’avait bien pu faire le prĂȘtre ?
Sans s’en rendre compte, il avait dĂ©jĂ passĂ© la porte du C.I.G, se retrouvant dans le trĂšs grand hall de l’institution. Il passa briĂšvement Ă l’accueil, il n’eut mĂȘme pas besoin de s’adresser Ă qui que ce soit, une plĂ©thore de post-it Ă©taient positionnĂ©s sur la vitre du comptoir d’accueil. En lisant les quelques-uns qui concernaient son cas, il comprit dans quelle salle d’attente il devait se rendre.
Il se rendit dans ce qui semblait ĂȘtre la troisiĂšme piĂšce, celle des rĂ©clamations immatĂ©rielles, juste Ă cĂŽtĂ© des rĂ©clamations sur les brevets et inventions. Il put y apercevoir une flopĂ©e de personnes, avec dans leur mains une plĂ©thore hĂ©tĂ©roclite de machins et bidules en tous genres. Qui Ă premiĂšre vue n’Ă©taient pas tous Ă©vidents Ă comprendre, tant dans les fonctionnalitĂ©s que dans le design.
L’invention low-tech Ă©tait devenu une grande tendance ces derniĂšres annĂ©es, mais leur prolifĂ©ration Ă©tait devenue presque incontrĂŽlable. L’intention Ă©tait bonne et tout un chacun Ă©tait encouragĂ© dans le systĂšme D. Bien des personnes Ă©taient convaincu de l’utilitĂ© Ă grande Ă©chelle de leur invention.
Alors le nombre d’auto-entrepreneurs, qui avaient essayĂ© de lancer la production de leur invention, avait explosĂ©. Pour rĂ©guler le marchĂ© et Ă©viter des dĂ©ceptions le C.I.G avait proposĂ© un accompagnement Ă tous ces inventeurs, ainsi le label du C.I.G naquĂźt et devint un sacrĂ© gage de qualitĂ©. C’est pourquoi autant d’inventeurs, aux inventions rejetĂ©es, venaient dĂ©poser une rĂ©clamation.
Melvyn se retrouva au milieu des blogueurs, webmasters, Ă©crivains et autres crĂ©ateurs de softwares. Cette salle d’attente Ă©tait bien plus grande que la voisine, en effet l’immatĂ©riel/dĂ©matĂ©rialisĂ© Ă©tait un secteur extrĂȘmement fluctuent et bien plus rapide que le physique.
Melvyn regarda sa montre pour constater quâil nâĂ©tait que dix-huit heures et pourtant le soleil n’Ă©clairait dĂ©jĂ plus l’endroit, les lampes basses consommation avaient pris le relais, donnant une ambiance sombre et angoissante Ă la salle d’attente aux murs blancs. On avait beau dire que la couleur et l’originalitĂ© de la dĂ©coration pouvaient Ă©gayer ce genre de lieu, le C.I.G fidĂšle Ă lui-mĂȘme, voulait exposer sa neutralitĂ© dans tous les moindres dĂ©tails.
Sobriété, neutralité, utilité et pas de dépenses inutiles.
Cela pouvait se voir aux siĂšges maintes fois rĂ©parĂ©s, les tableaux Ă la craie sur les murs, tout le mobilier de rĂ©cupĂ©ration, un minimum d’appareils Ă©lectroniques, mais beaucoup de systĂšme ingĂ©nieux de communications. Tout cela Ă base de vĂ©rins pneumatiques, de cornets et d’autres rĂ©seaux filaires, ainsi que le bon vieux bouche-Ă -oreille manuel, on se lĂšve et l’on va chercher la personne dont on a besoin.
Tout aussi ingĂ©nieux que fut le systĂšme la bureaucratie restait fidĂšle Ă elle-mĂȘme, longue et Melvyn attendit longtemps.
Il fut reçu vers vingt heures, on lui fit monter au premier Ă©tage, chaque marche gravie lui paraissait un effort surhumain, ses jambes semblant si lourdes et son cĆur battant anormalement vite. Tant et si bien qu’il arriva presque Ă bout de souffle devant la porte qu’on lui dĂ©signa. Peut-ĂȘtre avait-il oubliĂ© de respirer lors des derniers pas, il remĂ©dia Ă cela en prenant une grande inspiration, releva les Ă©paules et poussa la porte en bois.
Il atterrit dans un bureau minuscule de peut-ĂȘtre trois mĂštres sur trois, dedans y trĂŽnait un bureau avec un ordinateur et un bloc-notes. DerriĂšre le bureau, un homme brun, la trentaine, en costume gris, maintes fois recousu Ă premiĂšre vue. Cet homme avait le regard dans le vide, Ă moitiĂ© enfoncĂ© dans sa chaise pivotante, tournĂ© vers le mur gauche de la piĂšce.
L’homme se rendit compte de l’entrĂ©e de Melvyn, pivota dans sa direction et tendit le bras pour lui proposer de s’asseoir. LâemployĂ© posa ses coudes sur le bureau, joignit ses mains sous son menton et y mit sa tĂȘte en appui, puis il se fendit d’un sourire mainte fois travaillĂ©.
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« Que puis-je pour vous monsieur ?«Â
« Je viens vous voir pour mon dossier, le blog www.tonvoisinprĂ©vient.tr, bafouilla Melvyn en tendant le porte-documents, moi et mes associĂ©es n’avons pas compris la dĂ©cision.«Â
« Elle paraĂźt toujours injuste hein ? Feignit de demander l’homme. Mais au final, nous sommes un des pays dĂ©veloppĂ©s dont la valeur carbone dĂ©croĂźt le plus rapidement.«Â
Alors qu’il ponctuait sa phrase avec un clin d’Ćil, il se saisit prestement du porte-documents, l’ouvrant Ă la volĂ©e. Il semblait lire les feuilles Ă une vitesse folle, n’arrĂȘtant son regard que sur les grands titres, il consultait son ordinateur portable en mĂȘme temps, semblant vĂ©rifier Melvyn n’eut su dire quoi, avec la mĂȘme cĂ©lĂ©ritĂ©.
Soudain, alors qu’il survolait encore les premiĂšres feuilles, il fronça les sourcils, tapa quelques lettres sur son clavier et en validant il eut les yeux qui s’arrondirent brusquement, avant de reprendre une expression aussi neutre que possible.
Puis l’homme au costume gris tourna son regard de nouveau vers Melvyn.
« L’enquĂȘte est correcte, votre blog sera supprimĂ©. » Annonça lâemployĂ©.
« Comment ?! Mais vous n’avez pas tout lu ! » Sâindigna Melvyn.
« Pas besoin, l’ordre est confirmĂ© avec toutes les vĂ©rifications faites.«Â
« Mais enfin, pouvez-vous me dire pourquoi ?«Â
« Huuuum, trop polluant, pas assez utile et … je cite âtrop influençantâ. » RĂ©pondit lâhomme du C.I.G.
Melvyn se recula sur la chaise comme s’il avait pris un coup en plein visage, son esprit hurlait mais son corps encore perturbĂ©, saccada pour revenir Ă sa position initiale.
« Pardon ? Qu’est-ce que c’est que ce critĂšre ? Depuis quand jugez-vous cela ? En plus nous sommes neutres et les journaux engagĂ©s existent et perdurent ! Car certains sont jugĂ©s utiles, je vous rappelle ! » Enragea Melvyn.
« Inutile de vous Ă©nerver, je ne peux rien faire l’ordre vient de plus haut. » Se dĂ©fendit lâemployĂ©.
« D’en haut ? Vous n’ĂȘtes pas habilitĂ© Ă juger les dossiers que l’on vous prĂ©sente ? Vous allez me dire que votre chef vous dit juste oui ou non ?«Â
« Ne soyez pas ridicule voyons, je n’ai pas un chef, c’est une commission. De plus je ne peux juger les dossiers quâavec les critĂšres rĂ©guliers, le vĂŽtre est hors normes.«Â
« Qu’entendez-vous par lĂ ? » SâĂ©tonna le journaliste.
« Il a Ă©tĂ© refusĂ© Ă un autre niveau, l’enquĂȘte est formelle. » Se contenta de rĂ©pondre lâemployĂ©.
« Formelle ? âTrop influençantâ c’est ça ? Soyez honnĂȘte ça ne veut rien dire, Ă part dans une dictature !«Â
« Et voilĂ , les grands mots, toujours les grands mots, s’exaspĂ©ra l’homme, vous n’ĂȘtes pas le premier Ă trouver le C.I.G injuste et oui il est injuste pour certains, mais juste pour le plus grand nombre.«Â
« Ne le remettons pas en question surtout, ironisa Melvyn, Nous sommes moins intelligents que l’omnipotent C.I.G. » Ironisa le journaliste, dĂ©pitĂ©.
« Omnipotent … cette discussion ne mĂšnera nulle part. Souffla lâemployĂ©, blasĂ©. Faites un recours en plus haut lieu, je vous transmets les coordonnĂ©es des personnes Ă contacter. DĂ©brouillez-vous avec eux et bonne chance pour prouver votre non-influence.«Â
Melvyn Ă©tait abasourdi, la personne derriĂšre le bureau lui brandissait des arguments vides ou plutĂŽt n’utilisait pas d’arguments. Il affirmait simplement ne pas avoir le pouvoir de dĂ©cision pour lequel on venait le consulter.
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Pour Melvyn, il traitait ses dossiers de maniĂšre purement mĂ©canique, les critĂšres Ă©tant dĂ©jĂ prĂ©dĂ©terminĂ©s. C’Ă©tait logique, il ne pouvait pas Ă lui tout seul dĂ©cider ce qui Ă©tait bon pour l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ou non. En fait, personne ne le pouvait en Ă©tant seul dĂ©cisionnaire, il fallait forcĂ©ment plusieurs avis mais les dossiers s’Ă©tant multipliĂ©s avec le temps, le C.I.G avait dĂ» recourir Ă ces raccourcis.
Pour certains c’Ă©tait devenu une administration comme une autre, qui peinait Ă s’adapter, pour d’autres c’Ă©tait le nouveau pouvoir moral, arbitraire. L’intention de dĂ©part Ă©tait bonne et les diffĂ©rentes mesures prises depuis l’Ă©taient aussi pour la plupart.
En fait d’un point de vue extĂ©rieur, le C.I.G. faisait Ă©normĂ©ment pour la sociĂ©tĂ©, mais pour la libertĂ© de l’individu cela Ă©tait contraignant. Melvyn se sentait traitĂ© injustement par cette organisation qui avait fait tellement et protĂ©geait encore l’humanitĂ©, dans sa prĂ©caire condition.
Pourtant Melvyn se sentait juste flouĂ© et Ă cet instant il avait un peu de mal Ă prendre du recul, Ă voir l’image globale.
Et puis il y avait le prĂȘtre, certes un site retirĂ© d’internet c’Ă©tait de la pollution en moins, mais la raison Ă©tait-elle vraiment lĂ ?
Sinon il suffisait de ne laisser en ligne que les sites d’Ătat et supprimer tout le reste.
Ou peut-ĂȘtre gardaient-ils quand mĂȘme des sites de particuliers, pour entretenir un vernis de libertĂ© ?
Toutes ces idĂ©es traversĂšrent la tĂȘte de Melvyn qui refusait tout simplement que l’on juge SON site, comme dispensable.
Alors qu’il cogitait son corps restait simplement figĂ© sur la chaise. L’homme au costume gris l’appelait mais Melvyn ne semblait pas entendre, alors l’employĂ© claqua des doigts devant le visage de Melvyn qui revint Ă lui.
« Monsieur il faut y aller, j’ai d’autres rendez-vous. J’ai notĂ© les coordonnĂ©es du bureau supĂ©rieur sur votre dossier. Libre Ă vous de gaspiller votre forfait Ă les appeler, ça finira probablement de la mĂȘme maniĂšre.«Â
« Euh d’accord, bredouilla Melvyn encore absent, merci j’imagine.«Â
Il quitta le bureau d’un pas hĂ©sitant, il aurait voulu s’Ă©nerver, s’indigner plus que cela mais son dossier n’avait mĂȘme pas Ă©tĂ© proprement examinĂ©. On lui avait jetĂ© un non catĂ©gorique Ă la figure, on lui refusait de mettre en doute la dĂ©cision d’un organisme qui reprĂ©sentait l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, donc celui de Melvyn et de tous ses lecteurs compris. Mais on ne venait pas juste de lui dire ânon, trouvez un moyen de faire mieuxâ, on venait de lui dire ânon, ce que vous faites n’a aucun intĂ©rĂȘt car nous l’avons dĂ©cidĂ©â.
C’Ă©tait la maniĂšre de fonctionner du C.I.G, l’organisme avait Ă©tĂ© crĂ©Ă© dans ce but. La plupart s’en contentaient voire s’en rĂ©jouissaient, en revanche tous ceux qui subissaient cette rigueur se retrouvaient un jour, comme Melvyn, devant un refus qu’ils estimaient injuste.
Il redescendit l’escalier, il se sentait vidĂ© de son Ă©nergie, il s’Ă©tait prĂ©parĂ© Ă dĂ©battre pas Ă se heurter Ă un mur de refus. Il allait faire ce recours, bien qu’il ne sache pas ce qu’il pouvait prĂ©senter de plus. Peut-ĂȘtre que le bureau supĂ©rieur lui expliquerait la fameuse clause âtrop influençantâ, Ă ce moment-lĂ il saurait sur quel pied danser.
Il reprit ses esprits et se dirigea vers la sortie, en sortant du bĂątiment il s’adossa au mur de lierre et de vigne vierge, machinalement il sortit une barrette-Ă -mĂącher et commença Ă ruminer.
En temps normal il aurait fini par accepter cette dĂ©cision. Il savait que le C.I.G pouvait paraĂźtre injuste mais quâil avait aussi fait tellement de bien au pays. Que, mĂȘme si parfois il y avait des dommages collatĂ©raux injustifiĂ©s, le bien-ĂȘtre gĂ©nĂ©ral Ă©tait plus important. Mais aujourdâhui pour son cas, il y avait le pĂšre ClĂ©ment, l’anomalie dans la machine, le rouage en trop. Que ce soit par fiertĂ©, par soif de justice ou par orgueil, il ne voulait pas perdre si facilement, il voulait au moins tenter une riposte.
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Mais d’abord il lui fallait plus d’informations sur ce fameux prĂȘtre, il ne connaissait que son prĂ©nom si toutefois il s’agissait du vrai.
Peu expert dans le domaine, il lui fallait quelqu’un dans le rĂ©seau clĂ©rical, il pensa tout de suite au pĂšre Jean de Trets, mais vu Melvyn Ă©tait Ă Aix autant en profiter.
Il se dirigea d’un pas dĂ©terminĂ© vers la cathĂ©drale Saint-Sauveur, porte-documents sous le bras et barrette en bouche. 21H approchait, les Ă©glises Ă©taient ouvertes jusqu’Ă tard, il ne se faisait pas de soucis.
AprĂšs quelques minutes de marche il fut en face de la grande porte de la cathĂ©drale. Se tenant raide comme un i, le regard dans le vague, âdans quoi je me lance ?â pensa-t-il. Le mince flot de personnes allant et venant dans la rue s’Ă©paississait peu Ă peu, la plupart des travailleurs finissaient leur service. Rentrer chez soi ou Ă pied Ă©tait une pratique courante, vu qu’aucune voiture ne passait par lĂ , les navettes Ă©tant interdites dans les rues du centre-ville.
Melvyn pĂ©nĂ©tra dans la cathĂ©drale et se retrouva dans la grande salle, quelques personnes seulement se trouvaient lĂ . Il chercha quelqu’un habillĂ© pour les ordres, balayant du regard la grande piĂšce il ne vit personne qui correspondait dans un premier temps, les grandes colonnes de ce genre de lieu bloquaient souvent le regard.
Il se mit Ă parcourir la grande salle de long en large, le bruit de ses pas rĂ©sonnant dans cet immense espace, l’Ă©cho ainsi crĂ©Ă© le força inconsciemment Ă ralentir son pas. Dans un tel lieu de quiĂ©tude cette simple petite perturbation Ă©tait malvenue, le caractĂšre sacrĂ© du lieu, la pression sociale et le respect d’autrui forçait les gens sensibles Ă respecter le calme du sanctuaire. Câest ce que pensait Melvyn, se rendant compte qu’il pouvait dĂ©ranger les quelques personnes assises sur les bancs, en train de prier.
Il fut soulagĂ© lorsqu’il aperçut le prĂȘtre dans un coin de la cathĂ©drale s’adressant Ă un duo de personnes, ils chuchotaient si bas qu’Ă cette distance il n’entendait rien. ArrĂȘtant d’arpenter le bĂątiment il se positionna Ă quelques mĂštres, suffisamment loin pour ne pas dĂ©ranger et suffisamment prĂȘt pour ĂȘtre repĂ©rĂ© par le prĂȘtre.
C’Ă©tait cependant dĂ©licat, l’homme n’Ă©tait pas un vendeur qui cherchait Ă aller vers le client pour savoir s’il avait besoin d’aide. Pourtant les prĂȘtres Ă©taient souvent d’une grande aide morale Ă leurs paroissiens, Melvyn n’Ă©tait ni un client ni un paroissien, il ne se sentait donc pas le droit d’importuner cette personne, pour un problĂšme aussi Ă©goĂŻste…
Il se sentait comme un imposteur, incertain de la posture Ă avoir, il se figea et attendit patiemment, rendant Ă chaque regard qu’on lui lançait un sourire gĂȘnĂ©. De plus la discussion semblait s’Ă©terniser avec le duo de personnes, deux jeunes femmes, qui bien que de dos, semblaient investies dans leur discussion. Elles faisaient de grands gestes, alors que le prĂȘtre Ă©tait bien plus mesurĂ© dans ces mouvements.
Il dĂ©tourna le regard ne voulant pas ĂȘtre intrusif. Il se força tout de mĂȘme, de temps en temps, Ă manifester sa prĂ©sence pour que le prĂȘtre, qui l’avait remarquĂ©, ne l’oublie pas. Quelle Ă©trange situation que celle-ci, songeait Melvyn, il Ă©tait journaliste, dĂ©ranger les gens Ă©tait une partie du mĂ©tier non nĂ©gligeable.
Pourtant il avait l’impression de redevenir timide, alors que le blog Ă©tait censurĂ© depuis un jour seulement, comme si on lui avait retirĂ© sa capacitĂ© Ă aller demander.
Et pourtant, sa cause, il y tenait plus que d’ordinaire, il nâaurait su dire pourquoi dĂ©fendre son intĂ©rĂȘt semblait plus dur que de fouiner pour informer les autres.
Une fois que le prĂȘtre eut fini de discuter avec les deux jeunes filles, qui s’en allĂšrent visiblement satisfaites, Melvyn fit un pas en avant. Le prĂȘtre fit un sourire en direction de Melvyn lui signifiant qu’il avait compris le manĂšge et lui fit un signe de main, pour l’enjoindre Ă le suivre.
Alors Melvyn le rattrapa au petit trot, tandis qu’il se mettait Ă parcourir la cathĂ©drale visiblement pour allumer bougies et prĂ©parer toutes sortes d’objets.
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« Que puis-je pour vous mon fils ? » Sâenquit lâhomme dâĂglise.
« Bonjour mon pĂšre je ne vous dĂ©range pas ? vous prĂ©parez un office ? » Sâexcusa Melvyn.
« Pas tout Ă fait, mais pour demain et aprĂšs-demain ce sera ça de moins Ă faire.«Â
« Eh bien en fait mon pĂšre, je viens vous demander si vous connaissez un certain pĂšre ClĂ©ment ? Je ne sais pas plus que son nom.«Â
« J’en connais au moins deux, comment est-il le vĂŽtre ? » Demanda le prĂȘtre.
Melvyn se mit Ă le dĂ©crire assez prĂ©cisĂ©ment, car il revoyait clairement la scĂšne dans les champs, oĂč l’homme l’avait menacĂ©.
« Oui bien sĂ»r pĂšre ClĂ©ment. Il est de la paroisse de Manosque, un homme charmant, trĂšs rigoureux. » Conclut le prĂȘtre.
Melvyn retint surtout rigoureux car le cĂŽtĂ© charmant il n’avait pas eu l’occasion de le voir. Le constat Ă©tait clair, Melvyn n’avait pas rĂȘvĂ© cet homme existait bel et bien. Manosque n’Ă©tait pas la ville d’Ă cĂŽtĂ©, si lâon prenait Trets comme point de dĂ©part, Melvyn s’en Ă©tonna, Il s’imaginait que le pĂšre ClĂ©ment venait de plus prĂšs.
« Et peut-on espĂ©rer savoir en quoi vous avez besoin de pĂšre ClĂ©ment ? » Lâinterrogea lâhomme dâĂglise.
« Oh il a simplement dit quelque chose qui m’a marquĂ©, mais impossible de le retrouver. » RĂ©pondit le journaliste, omettant volontairement une partie de la vĂ©ritĂ©.
« Et oĂč l’avez-vous croisĂ© ?«Â
« Dans les rues de Trets.«Â
Le prĂȘtre eut l’air surpris, il resta pensif quelques instants.
« Ătrange, c’est bien loin de sa paroisse, il officie Ă l’Ă©glise Saint-Sauveur de Manosque, c’est facile de m’en rappeler, notre chĂšre cathĂ©drale porte le mĂȘme nom.«Â
Il appuya son allégation en balayant la salle de la main.
« Je suis d’accord avec vous, mon pĂšre, cela fait bien loin de nos jours…«Â
« Dans quel contexte l’avez-vous rencontrĂ© ? » Questionna lâhomme dâĂglise.
« Pardon ?«Â
Melvyn Ă©tait ailleurs, il n’avait pas pensĂ© au fait que le prĂȘtre pourrait le questionner, il se devait de dire quelque chose, mais rien ne lui vint.
« Vous allez bien mon fils ? » SâinquiĂ©ta le prĂȘtre.
« Euh oui tout va bien, merci mon pÚre. » Bafouilla-t-il.
Le journaliste s’en alla sans demander son reste, contrairement au prĂȘtre qui resta sur sa faim et avec sa question sans rĂ©ponse.
DĂ©cidĂ©ment la roublardise de Melvyn s’Ă©tait envolĂ©e avec son blog. Il s’Ă©clipsa rapidement disparaissant derriĂšre les colonnes de la cathĂ©drale, le prĂȘtre se contenta de hausser les Ă©paules et de continuer son tour. Une fois Ă l’extĂ©rieur de la cathĂ©drale, Melvyn prit la direction du bus.
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