Chapitre 21
Le lundi 3 avril, alors que Melvyn se trouvait dans les champs à ramasser les premiers légumes de printemps, qui auraient été ramassés en juin quelques décennies auparavant, il reçut un appel. Le numéro n’était pas inconnu mais il ne l’avait pas enregistré apparemment, il était seulement 8h30 du matin, curieux il enleva ses gants et décrocha tout en s’éloignant de ses collègues ramasseurs.
« Allô ? » Fit Melvyn.
« Monsieur Billot, Suzanne Darbois à l’appareil, je ne vous dérange pas ?«
« Non. » Répondit-il Alors que son esprit hurlait ‘Si !’
« Auriez-vous quelque chose à voir avec le reportage diffusé samedi soir, au journal de France 2 ? » Demanda-t-elle.
« Quel reportage madame Darbois ? » Bluffa Melvyn.
« Celui sur l’enterrement en vraie terre. Vous savez autant avouer tout de suite, si vous y êtes pour quelque chose nous finirons par le savoir, autant gagner du temps. Faute avouée, faute un quart pardonnée. » Déclara Suzanne.
« Je ne l’ai pas vu et ne dit-on pas à moitié pardonnée ? » Éluda Melvyn.
« Pas dans votre cas monsieur Billot, nous avons suffisamment prévenu comme cela. Bien si c’est ce que vous souhaitez, soupira Suzanne, vous aurez bientôt de mes nouvelles bonne journée monsieur Billot.«
Lorsque Suzanne raccrocha, Melvyn mit quelques instants avant de réaliser et de ranger son téléphone. Un de ses collègues lui fit remarquer qu’il était tout pâle et lui proposa de l’aider à s’asseoir, pour faire une pause, il se laissa volontiers guider ses jambes se dérobant presque sous lui. Melvyn revoyait en pensées les différentes promesses de sanctions faites par le C.I.G, dans les documents qu’il avait fini par lire.
*
La semaine se passa sans autre heurt et il en fut soulagé, il ne parla du coup de téléphone aux filles que le mercredi. Jade semblait encore faire la gueule, digérant mal le fait d’être en sursis, elle semblait blâmer Melvyn de la situation mais se montrait aussi un peu plus distante avec Léna, cette dernière essayant de jouer les médiatrices.
Melvyn laissait Jade faire, il se sentait coupable et ne trouvait pas la légitimité de se plaindre du comportement de Jade. Il était content cependant de la voir sourire de temps en temps, lorsqu’elle regardait son portable, il savait que c’était sûrement dû au fameux Jérôme, ça avait l’air de fonctionner entre ces deux-là.
Arriva fatidique samedi, à l’heure du reportage l’ordinateur était déjà allumé depuis bonne demi-heure, les colocataires avaient fait tous les réglages pour le voir en direct. Après avoir installé l’écran sur la table basse ils se mirent sur le canapé, Léna blottie contre Jade et Melvyn de l’autre côté, il fut surpris de sentir la main de Jade serrer la sienne. Elle ne le regardait pas mais il lui rendit le geste et se détendit légèrement.
Le documentaire commença et effectivement il était quasiment identique au leur, cependant Un sacré travail de montage avait été effectué car on n’entendait jamais la voix des trois colocataires. Les documents étaient analysés par d’autres personnes pour des conclusions quasi-similaires, mais les tournures de phrases étaient plus prosélytes. Le C.I.G n’était pas érigé en tant que potentiel allié à l’enterrement en vraie terre, il était plutôt présenté comme un simple fournisseur de documentation, de simples données sur le sujet.
Les personnes interviewées étaient parfois floutées et d’autres fois non. Les interviews étaient belles et bien les mêmes, l’ordre dans lequel elles se succédaient était différent, leurs transitions plus agressives et le côté reproche bien plus accentué. On aurait dit une plainte contre gouvernement de manière très indirecte, contre le gouvernement au sens global, le C.I.G et l’Église n’étaient que très peu cités.
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D’un point de vue technique le travail était remarquable, en plus de cela, passer sur une chaîne avec autant d’audience aurait certainement un impact conséquent. Par contre, les nombreux visages floutés, les documents lus par des personnes invisible à l’écran enlevaient de l’authenticité.
Les trois colocataires remerciaient ces choix, si James ne les balançait pas ils pouvaient s’en sortir juridiquement indemnes. À condition aussi que toutes les personnes interviewées ne les citent pas si on leur posait des questions, ce qui était bien plus incertain. James avait-il prévenu les personnes interviewées de tout ce qu’elles devaient dire ou ne pas dire ? Et l’accepteraient-elles, sachant qu’elles ne comprendraient sûrement pas d’où sortirait cet usurpateur et de quel droit il disposait sur le documentaire, créé par les colocataires.
En tout cas, cette version-là leur permettait de maintenir leur ligne de conduite, un alibi solide ! Ils avaient certes fait des interviews en amateur sur un sujet qui leur importait, en revanche après avoir reçu les menaces du C.I.G, ils pouvaient prétendre avoir arrêté, leurs fichiers ayant été volés après.
Certes c’était gros comme coïncidence mais c’était la vérité ! En ce qui concernait le vol en tout cas.
« On peut dire qu’on a eu chaud ? Ou bien on est toujours sur le grill à votre avis ? » Demanda Melvyn.
« Je pense qu’on peut continuer à faire profil bas pendant un bon moment, le moindre remous risque de les agiter. » Assura Jade.
« Moi je pense que si on n’a pas encore été appelés, c’est parce qu’on est Samedi. » Dit Léna, défaitiste.
« Je croise les doigts que tu aies tort pour une fois Léna. » Ajouta Melvyn.
Ils regardèrent le générique du documentaire en détail, il était très peu fourni, ce qui était une mauvaise chose, le nombre de personnes impliquées ne semblait pas cohérente au vu de la chaîne sur laquelle il était diffusée. Apparemment James n’avait pas voulu mettre trop de faux profils, les colocataires soupçonnaient que les cameramen, ingénieurs du son, reporters et autres rôles cités étaient surtout les voix-off et monteurs qui avaient travaillé sur le projet. James mentait sûrement sur leurs rôles, puisqu’ils n’avaient jamais interrogé les personnes visibles dans le documentaire, il était cependant vrai qu’ils avaient travaillé sur le documentaire. C’était un moyen presque illicite, voire complètement, de rendre vraisemblable leur paternité du documentaire. À moins d’être dénoncés, il y avait peu de chances qu’ils subissent des poursuites judiciaires.
Ce n’étaient pas les colocataires qui allaient le faire en tout cas, maintenir le statu quo avec James était devenu un objectif absolu. S’ils ne le revoyaient plus jamais, ils ne s’en porteraient surement que mieux.
Melvyn farfouilla tous les dossiers de l’ordinateur, cherchant la moindre trace du documentaire, s’il en restait encore ne serait-ce qu’un bout de fichier, il fallait le supprimer. Si jamais ils étaient accusés autant ne pas laisser de preuves.
Il ne trouva rien lié directement au documentaire, mais tout ce qui était annexe fut supprimé, méthodiquement retiré des sauvegardes et même les traces fantômes des fichiers supprimés furent traquées. Il supprima aussi l’interview de Mathias, à grand regret, qui était sur la sauvegarde du site www.tonvoisinprévient.tr.
Ils avaient fait ce qui était en leur pouvoir, maintenant il ne restait plus qu’à attendre. Voire mieux, faire autre chose comme s’ils n’avaient jamais été impliqués.
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Chapitre 22
C’était Lundi 10 Avril, plus d’une semaine après que le reportage soit passé à l’écran, le documentaire quant à lui, avait été diffusé à la date et heure prévue, le samedi 8 Avril.
Bien que différent de ce qu’ils avaient imaginé, les trois journalistes de tonvoisineprévient.tr avaient réussi à fournir un documentaire. Ce dernier était passé sur une chaîne nationale, ils ne pouvaient revendiquer sa parenté, mais ils étaient en danger juste parce qu’il existait.
Un mélange d’angoisse et d’excitation leur retournait les tripes, ils s’attendaient à voir le C.I.G débarquer dans leur vie pour essayer de les sanctionner. D’un autre côté, ils se sentaient comme des rebelles militants et espéraient qu’avec tous les risques pris, la cause de l’enterrement en vraie terre avancerait quelque peu.
Sauf que …
Il y avait eu un flash information spécial, qui avait directement succédé le documentaire. Une information si importante que même en cherchant, on ne retrouvait que la rediffusion de ce flash, nulle trace du documentaire sur internet.
L’engouement était néanmoins justifié, la nouvelle citée dans ce flash était d’une importance capitale. Une équipe de scientifiques avait fait une percée monumentale, le composé miracle recherché par la Terre entière était là et à priori il était stable.
De ce qu’avait compris Melvyn, ce composé permettrait de détruire les gaz à effet de serre en s’attaquant à des molécules très précises et en épargnant les autres. La communauté scientifique était en ébullition, les partisans avançaient un produit miracle tandis que les détracteurs parlaient d’une bombe à l’échelle planétaire.
Le nombre de tests en milieu fermé était hallucinant, des milliers d’itérations d’application du composé en environnement restreint, avaient été effectués à ce jour. Le résultat était étonnant, les gaz à effet de serre étaient réduits de 75 à 80%. Pour une quantité précise de composé déversé dans l’atmosphère il serait donc possible, en théorie, de revenir à un niveau préindustriel.
Les scientifiques responsables du projet parlaient d’une baisse équivalente au niveau des années 1800, si un protocole très strict était appliqué. Lors de l’interview de l’équipe ils avaient mis, dans chacune de leur phrase, une mise en garde sur la précision de la quantité de produit à injecter dans l’atmosphère.
Malgré leur très grande prudence la nouvelle enflammait les foules, le sujet de discussion était sur toutes les lèvres. La chaleur allait baisser, c’était une certitude pour une grande majorité de gens, seuls les plus pessimistes étaient suspicieux.
Il n’était pas question de remettre en cause la sobriété de la société, ce processus miracle pouvait cependant peut-être inverser la tendance. Bien que les boucles de rétroaction positives étaient encore très puissamment lancées.
L’antarctique fondait à vue d’œil, les toundras libéraient leurs gaz datant de la préhistoire. Il fallait donc agir d’urgence, aussi les gouvernements avaient-ils organisés sommets, congrès et réunions à la pelle.
Si le composé se révélait aussi miraculeux que prévu, l’humanité ne ferait pas face à son extinction, il y avait de quoi se réjouir. Le petit bonus pour les colocataires fut que la nouvelle avait fait tant de bruit, que leur documentaire était tombé aux oubliettes.
Enfin du moins c’est ce qu’ils croyaient…
*
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Melvyn se trouvait au magasin le « Blé d’Art« , marchant d’un pas vif, le sourire aux lèvres, il avait la discussion facile et servir chaque client était un plaisir. Il se sentait léger comme lorsque l’on se défait d’un poids que l’on porte depuis trop longtemps, parfois il avait même l’impression de flotter. À chaque fois qu’il croisait Amandine ou Léo c’était soit une embrassade, soit une tape sur les fesses ou une main dans les cheveux. Il songeait même à leur demander s’il pouvait venir passer du temps chez eux, quelques jours pour commencer, il se voyait bien alterner entre les deux foyers de son cœur, à terme.
Avec tout cet enthousiasme et sa joie de vivre, il ne réagit pas tout de suite quand il vit au détour d’une allée du magasin les deux policiers qui s’avançaient vers lui.
« Monsieur Billot ? » L’interpella l’agent.
« C’est moi, que puis-je pour vous messieurs ? » Répondit-il tout guilleret.
Melvyn reconnaissait l’un d’entre eux, il l’avait déjà vu patrouiller dans Trets mais le deuxième lui était inconnu.
« Si vous voulez bien nous suivre au poste il y a une procédure à votre encontre, ce sera plus facile à vous expliquer sur place. » Lui expliqua le policier.
Melvyn resta abasourdi, ne comprenant pas ce qu’il se passait il tendit les mains en avant par intuition. Le policier plaça la sienne paume en avant, pour lui intimer d’arrêter.
« Vous n’êtes pas en état d’arrestation, on vient simplement vous proposer de venir au poste pour éviter la paperasse et les procédures à rallonge. Si on veut s’éviter un échange de courrier de deux semaines de long, c’est le bon choix. » Précisa l’officier.
Melvyn ne comprenait pas cette façon de procéder qui lui paraissait étrange, comme il n’avait jamais eu affaire à la police avant à part en interview, il se laissa guider et suivit le second agent qui le mena à la voiture de police. Sachant où se trouvait le poste, à seulement cent mètres voire moins, il comprit qu’on voulait lui éviter de faire le chemin à pieds, escorté de deux policiers. Mesure de précaution étrange puisque les passants le virent entrer dans la voiture de police à la place arrière, les commérages iraient tout autant bon train de cette manière il le savait.
Alors qu’il cherchait à comprendre ce qu’il se passait, il entendit Amandine et Léo s’insurger contre cette arrestation, l’officier de police avait beau leur promettre que ce n’en était pas une, ils n’en démordaient pas.
Melvyn baissa la fenêtre de la voiture et leur affirma avec la voix la plus calme possible, que tout irait bien et qu’il allait simplement écouter ce qu’on avait à lui dire. Il extrapola qu’il reviendrait dans la matinée, en vérité il n’en savait rien du tout et il extrapolait cela pour les rassurer, Au fond de lui il espérait bien avoir raison.
Le court trajet se déroula dans le silence, les policiers ne lui adressèrent même pas la parole, On ne lui présenta pas les faits pas plus qu’il ne les demanda, il se contenta d’attendre et de suivre. Lorsqu’on le fit descendre de la voiture il avait une posture plus voûtée, caractéristique d’un manque de confiance, voire de peur.
Il arriva à l’accueil du commissariat la mine basse, le regard dans le vague. Alors le C.I.G avait trouvé quelque chose contre lui ? Un des témoins du documentaire avait balancé ? Ou bien s’était-il ravisé sur son droit à l’image ?
Beaucoup de questions se bousculaient dans sa tête, jusqu’à ce qu’on l’emmène dans une pièce, une toute petite salle d’interrogatoire. Contrairement à ce qu’il s’attendait à voir, ce n’était pas un policier qui était assis à la table mais bel et bien le père Clément, habillé en civil.
Melvyn reprit ses esprits instantanément, il ne se sentait pas plus confiant mais le père Clément avait le talent de l’énerver prodigieusement par sa simple présence. Clément lui fit signe de venir s’asseoir courtoisement, Melvyn s’exécuta nerveusement.
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« Encore et toujours vous Clément. Que me vaut le déplaisir ? » Décocha Melvyn.
« Bonjour monsieur Billot, vous ne vous en doutez pas ne serait-ce qu’un peu ? » Ironisa Clément.
« Que vous vous amusez à me tourmenter ? Si je le devine clairement. » Rétorqua le jeune homme.
« C’est à propos d’un certain reportage, ainsi qu’un documentaire que j’ai vu sur France 2. » Avoua le prêtre.
« Je ne travaille pas pour France 2. Vous vous rappelez que l’on m’a fortement découragé le journalisme ! Probablement pour les prochaines années au moins. » Répliqua Melvyn.
« Jouez à l’imbécile tant que vous le voulez, je sais que vous y êtes pour quelque chose Billot et je le prouverai. » Menaça l’homme d’église.
Le père Clément parlait posément, il semblait sûr de lui ce qui déstabilisait Melvyn, ça et la situation. Melvyn faisait moins le fier à bras en étant aujourd’hui sur le banc des accusés, il tenait certes tête à Clément mais il craignait le pire.
« L’humanité est sauvée Clément, vous ne voudriez pas me lâcher la grappe ? » Reprit Melvyn.
« De quoi parlez-vous ? De ce nouveau composé qui absorbe magiquement les gaz à effet de serre ? Si jamais il fonctionne correctement, la liesse générale fera exploser les naissances et on oubliera les beaux principes de sobriété. Croyez-moi monsieur Billot, si nous essayons de garder les choses sous contrôle ce n’est pas par hasard. Si ce composé est utilisé avec l’optimisme de l’apprenti sorcier cela nous retombera dessus une fois encore, tout comme l’enterrement en vraie terre. » Sermonna le prêtre.
« Vous êtes bien pessimiste pour un prêtre, ne serons-nous pas tous sauvés à la fin ? » Ironisa Melvyn.
« Vous venez de le dire, à la fin. C’est notre âme qui sera sauvée, en attendant essayons de ne pas faire n’importe quoi de nos corps je vous prie. » Éluda-t-il.
Melvyn fit un parallèle avec l’interview qu’il avait effectué auprès de Mathias, celui lui coûta beaucoup d’admettre qu’à sa manière, Clément veillait bel et bien sur l’humanité. Le prêtre n’avait rien avec lui, aucun document sur le bureau ni rien à montrer à Melvyn, il se contentait de discuter. L’absence de policier étonnait fortement Melvyn, il ignorait la procédure standard mais celle-ci lui paraissait étrange. Que l’on autorise un civil à utiliser une salle d’interrogatoire, il n’eut pas cru cela possible avant aujourd’hui.
« Alors en plus d’être prêtre et consultant au C.I.G vous êtes un gardien de la paix maintenant ? » Lança Melvyn.
« Gardien de la paix est une bonne formulation mais je ne fais pas partie des forces de l’ordre. Non ces messieurs m’ont gentiment laissé vous parler avant de commencer à vous exposer la procédure. » Exposa le prêtre.
« C’est donc vous qui me poursuivez, mon père ? Je pense que j’ai le droit à un avocat alors. » Se défendit Melvyn.
« Non ce n’est pas moi mais bel et bien le C.I.G, comme il vous avait prévenu. » Précisa le prêtre.
« Alors qu’est-ce que vous faites là Clément ? » Exigea l’accusé.
Le prêtre se pencha en avant en prenant un air plus menaçant encore, la lumière et l’ombre jouant sur son visage pour renforcer ses traits. D’habitude très maître de lui, il lui semblait difficile de réprimer sa colère bouillonnante, il s’exprima de manière véhémente, tirade après tirade et d’un ton très ferme.
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« Je viens vous dire que ça suffit, vous allez arrêter de jouer au con. La tête de mule est allée trop loin maintenant, que ce soit clair, je vous ai mis en garde plusieurs fois. Vous n’avez pas écouté, vous avez mis le bordel et on ne sait pas encore comment en gérer les retombées, heureusement que ce nouveau composé détourne l’attention. Vous restez cependant trop dangereux, à chaque fois que l’on vous dit non, vous continuez en faisant pire.
Alors voilà ce que je fais ici, je vous fais savoir que je vais soutenir cette procédure et procès s’il y a lieu. Vous avez besoin d’une leçon Billot et d’une sévère, on ne joue pas avec tous les sujets à la légère. Surtout quand une organisation aussi vaste que l’Église, s’évertue à garder le contrôle sur un domaine particulier, vous vous doutez bien que c’est pour une raison, non ? » Déclara fermement Clément.
Il se leva d’un mouvement vif pour venir se positionner près de Melvyn et lui chuchoter.
« On se verra au tribunal. » Souffla-t-il.
Alors qu’il allait quitter la salle Melvyn sentait les larmes lui montait aux yeux, il repensait aux sentences prévues par le C.I.G. Avec sa culpabilité grandissante, il ravala son égo et demanda péniblement.
« Laissez les filles en dehors de ça. C’est moi qui ai déconné d’accord ? » Supplia-t-il.
Clément soupira, encore dans l’entrebâillement de la porte.
« Je sais très bien qui est dangereux dans cette histoire, je me doute bien que c’est vous qui les avez entraînés, sinon j’aurais eu plus de problèmes avec elles. De plus la plupart des preuves sont contre vous Billot. Si vous recevez la leçon que vous méritez, je pense qu’elles seront les premières à en tirer les enseignements.«
Il quitta la pièce sur ces derniers mots, laissant Melvyn désemparé. Quelques secondes plus tard les deux officiers qui étaient venu le chercher entraient dans la pièce. Ils commencèrent à lui exposer ce qu’on lui reprochait et les suspicions à son encontre, il eut le droit à beaucoup de questions mais à peu de pièces à conviction.
« Monsieur Billot, avez-vous un rapport avec le documentaire sur l’enterrement en vraie terre diffusé ce samedi 8 Avril ? » Demanda l’officier de police.
« J’ai travaillé sur un sujet similaire récemment mais ce n’est pas mon documentaire. » Répondit Melvyn.
« Connaissez-vous un dénommé James Duclos ? » Enchaîna le deuxième officier.
« Ce nom me parle. » Affirma Melvyn, jouant sur les frontières de la vérité.
« Accepteriez-vous de nous confier l’historique de vos appels téléphoniques et mails pour vérifier certaines informations. » Reprit le premier policier.
« Cela me paraît être une intrusion dans ma vie privée, monsieur l’agent. » Rétorqua Melvyn de plus en plus inquiet.
« Malheureusement ça l’est, comprenez que nous ne chercherions que des liens avec l’affaire de ce documentaire. Si jamais vous refusez nous serions peut-être dans l’obligation d’entamer une procédure pour y accéder tout de même, selon la direction que prend l’enquête à votre encontre. » Expliqua calmement le premier officier.
« Tout comme on ne signe pas un contrat directement, comprenez que j’aimerais prendre mon temps pour réfléchir à cela. Si je pouvais aussi demander à avoir mon avocat, je ne suis pas sûr de bien comprendre tout ce qui se passe. » Mentit Melvyn.
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« Nous le comprenons, vous pouvez l’appeler il n’y a aucun souci. » Répondit le second policier.
Il comprit que le C.I.G était en train de chercher comment le faire tomber, pour ce documentaire. Ce n’était sûrement qu’une question de temps avant que James ne parle, Melvyn était sûr que pour sauver sa peau ce type pourrait balancer sa propre mère.
Il appela son avocat, malheureusement ce dernier était sur messagerie, probablement sur une autre affaire. Melvyn lui laissa un message expliquant les circonstances et l’enjoignant à le rappeler au plus vite.
Plus le temps passait et plus il lui semblait difficile de se sortir de ce bourbier. En seulement quelques minutes, les agents de police lui avaient fait comprendre qu’il était dans de beaux draps, s’en sortir sans condamnation lui paraissait terriblement difficile, voire impossible.
Étant donné qu’il avait demandé un avocat, l’entrevue avait été reportée. Les officiers de police l’avaient donc ramené à l’accueil, lui faisant remplir tout un tas de paperasse. Une prise de rendez-vous, des documents lui permettant de prendre connaissance de l’enquête à son encontre, les modalités de la procédure, tout cela le submergea.
Quelque part au milieu de ces explications Melvyn décrocha, il n’écoutait plus que distraitement, il fixait ses pieds ou le comptoir d’accueil dans un état second. Tout avait basculé en quelques mois seulement et pourtant il connaissait ces risques depuis le début, ou presque. On l’avait mis en garde très vite et de nombreuses fois, mais aujourd’hui il était acculé dos au mur.
Pourtant il n’avait fait que son métier, n’est-ce pas ? Il avait fait ce qu’il devait faire ? Ou bien avait-il fait seulement ce qu’il voulait ? Sans considération pour l’intérêt général dans la démarche, la question demeura en suspens dans son esprit.
À qui servirait cette réponse dorénavant ? Avoir bonne conscience ne l’empêcherait pas d’être condamné. Ce qu’il désirait était une défense solide, en espérant que la vingtaine de personnes qui pouvaient l’incriminer ne le feraient pas. Il priait que les appels téléphoniques aient bien été effacés et qu’aucun témoin ne se manifeste.
Dans son état second, il se rendit tout de même compte qu’il avait récupéré tous les documents administratifs. On l’accompagna jusqu’à la porte du poste et il en sortit chargé de paperasse à en remplir un plein classeur. La vraie charge qu’il ressentait était pourtant sur ses épaules, complètement sonné par tout ce qui venait de se produire, Melvyn se sentait engourdi.
Soudain un rayon de soleil perça à travers la canopée et vint lui réchauffer le visage, cette douce chaleur lui parut si revigorante qu’un frisson le parcourut. Il n’eut plus aucunes pensées pendant quelques instants, se contentant de ressentir. Le poids sur ses épaules et sa poitrine parut s’envoler, il prit une grande inspiration en fermant les yeux et poussa un long soupir d’aise en entamant sa marche, retournant au magasin.
Lui, petit être humain parmi 10 milliards était certes en difficulté, en revanche le monde, lui, allait bientôt être sauvé n’est-ce pas ?
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Fin (pour le moment)